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L'industrie du troisième millénaire

  in La Vie Financière - du 4 au 10 novembre 2005 - N° 3152

« Ce mouvement tend depuis quelques années à se faire une place au cœur du marché. Les plus belles pièces pourraient bien un jour atteindre le million de dollars. »

 

Revue de presse
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LA BOURSE
REVUE DE PRESSE

PATRIMOINE/ Marché de l'art

L'ART BRUT
Soutter, Wölfli, Schröder-Sonnenstern, Chaissac

Ce mouvement tend depuis quelques années à se faire une place au cœur du marché. Les plus belles pièces pourraient bien un jour atteindre le million de dollars.

Ecartées du champ culturel, les œuvres d'art brut n'étaient pas destinées à être monnayées. Pourtant, elles font désormais l'objet d'importantes adjudications aux enchères. Grâce au soutien de quelques institutions comme le musée de Lausanne, les jalons, pour ce marché, sont désormais posés. Louis Soutter (1871-1942), Adolf Wölfli (1864-1930), Emil Friedrich Schroder-Sonnenstern (1892-1982) ou Gaston Chaissac (1910-1964), par exemple, sont d'ores et déjà classés comme des artistes à part entière. Leur importante production assure un marché dynamique et des cotes clairement établies.

340 000 francs suisses pour une feuille de Soutter
Le record a été enregistré en juin 2000 chez Kornfeld, à Berne (Suisse), grâce à une feuille de Louis Soutter, Masquerade in Slums (1939), adjugée 340 000 francs suisses (216 536 euros). Les dessins les plus recherchés de ce Suisse, mort à l'asile de Ballaigues, ont été réalisés après 1937, année à partir de laquelle il représente de

(graphe)
Indice des prix de l'Art brut

(illustration)
Sans titre, de Carlo Zinelli, 1968.
Gouache et crayon graphite sur papier (70 x 50 cm).
Donation l'Aracine, musée d'Art moderne de Lille*.

fins personnages noirs et tordus, tracés au doigt avec de l'encre de Chine. Aux Etats-Unis, l'artiste le plus réputé de l'art brut est Bill Traylor (1854-1947). Né esclave dans la plantation de coton de George Hartwell Traylor, il ne se met à dessiner qu'à l'âge de 84 ans - il est alors désœuvré et sans toit. Sur trois ans de création, on estime à environ 1 500 le nombre de ses dessins. En France, c'est Gaston Chaissac qui tient le haut de l'affiche. Ce cordonnier, attiré par le dessin et la peinture, noue des liens étroits avec Jean Dubuffet. Il participe d'ailleurs à la première exposition d'art brut, chez Drouin, en 1949. Mais son immersion dans le milieu artistique le détachera progressivement des critères de l'art brut fixés par Dubuffet. Déjà en 1973, le musée national d'Art moderne a organisé une exposition de son travail. Si la

Obsessions
Si cet art est mis en relief par André Breton dès 1924, c'est sous l'impulsion de Jean Dubuffet qu'émerge en 1945 l'expression « art brut ». Sous ce terme sont élevées au rang de créations artistiques des productions qui ne faisaient jusqu'alors l'objet d'aucune attention ou n'étaient perçues que comme des manifestations de troubles psychiques. Les plasticiens de l'art brut sont autodidactes et vivent souvent reclus, en marge de toute influence. Les supports utilisés sont aussi variés que les thèmes abordés, lesquels renvoient la plupart du temps aux troubles obsessionnels qui affectent ces artistes.

rétrospective que lui a consacrée la galerie du Jeu de paume en 2000 a stimulé temporairement sa cote, aujourd'hui ses prix restent encore inférieurs à ceux atteints en 1990, année de ses plus fortes enchères. Ses totems les plus importants pouvaient alors s'échanger pour l'équivalent de 150 000 euros. Mais l'évolution de la cote de cet artiste ancré depuis longtemps dans l'histoire de l'art fait figure d'exception. Globalement, les prix sont en pleine phase ascendante. Toutefois, pour la grande majorité des artistes de l'art brut, la fréquence d'apparition en ventes publiques est encore trop faible pour que l'on puisse parler de cote établie. Le nombre d'œuvres vendues aux enchères se compte sur les doigts des deux mains pour Pascal-Désir Maisonneuve (1863-1934), Martin Ramirez (1895-1963), Henry J. Darger (1892-1973) ou Carlo Zinelli (1916-1974). Ainsi, il n'est pas rare de voir se creuser le fossé entre les estimations et les prix au marteau. En 2003, par exem-ple, Le Jardin suspendu, de Stani Nitkowski (1949-2001), s'est arraché au prix de 5 600 euros pour une estimation de 300 euros chez Perrin-Royère-Lajeunesse. Sur ce marché émergent, les marges de progression sont importantes. Aujourd'hui encore, 83 % des œuvres d'art brut se vendent au-dessous de 10 000 euros. Le 21 mai 2005, chez Jeschke, Hauff & Auvermann (Berlin), on pouvait s'offrir un dessin de Jean-Joseph Sanfourche pour 400 euros. Dix jours plus tôt, à Berne, Der Mensch Engel ist die Zeit, un dessin d'Oswald Tschirtner (1920) était adjugé 650 francs suisses (421 euros) chez Dobiaschofsky. Pour un pastel gras d'Emil Friedrich Schroder-Sonnenstern, compter désormais 6 000 à 10 000 euros, contre 1 000 à 2 000 euros il y a tout juste dix ans.

*Œuvre exposée à : « Dubuffet et l'Art brut », du 15 octobre 2005 au 29 janvier 2006,
Musée d'Art moderne Lille Métropole.

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